Publié le 25 mai 2021
Temps de lecture : 6 minutes
Interview de Martial Duvert, galeriste et antiquaire depuis 33 ans, il tient aujourd’hui la Galerie Duvert à Crest, un lieu incontournable pour tous les amateurs d’art. Dans ce très beau lieu sont exposés des meubles, peintures, sculptures, céramiques, livres anciens… qui ont marqué cette région riche d’artistes et artisans comme André Lhote, Albert Gleizes, Albert Vanber, Wols…
Martial, tu es à la fois galeriste et antiquaire, ce sont des métiers qui se complètent. Comment est née cette passion pour l’art ?
Une passion depuis toujours : passionné par les objets, l’art et la photographie, Martial a une histoire un peu particulière, ami avec un fils d’antiquaire, il passait ses week-end en Suisse à la montagne, où il a cotoyé des objets hors normes. Il nous raconte l’histoire incroyable de l’escalier en cristal commandé par le Shah d’Iran à la manufacture Baccarat, en christal, qu’ils ont démonté pièce par pièce, quand le chef d’état Iranien a été destitué. Ce sont des expériences comme celle-ci qui lui ont donné l’envie de découvrir de belles choses. Aujourd’hui il est galeriste et antiquaire, il a le même intérêt pour une commode du XVIIIe siècle que pour une œuvre de Buren, ce qui l’intéresse, c’est de comprendre leur histoire.
Mais aussi les rencontres : « J’ai eu la chance de rencontrer des gens atypiques, comme Vanber, qui ont aiguisé ma curiosité et m’ont fait gagner du temps dans l’apprentissage de ce métier. Tout le monde n’a pas les mêmes facilités donc les rencontres sont très importantes. »
Monsieur Maugard, professeur de dessin à Crest, les emmenait chez Vanber pendant leurs cours, artiste emblématique de notre région, qui avait sa maison au pied la Tour de Crest. Certaines de ses œuvres marquent son passage dans la Vallée de la Drôme, on peut reconnaître la Tour de Crest, le Château d’Eurre… C’est cet enchaînement de rencontres et de situations qui lui ont ouvert des portes.
Il y a une histoire artistique dans la région, comment expliques-tu que la Vallée de la Drôme soit un véritable carrefour des arts ?
« De très nombreux artistes ont choisi la Drôme et ce depuis plusieurs siècles, un travail exceptionnel a été réalisé c’est une véritable identité de la région, ces artistes ont ouvert les esprits, beaucoup de leurs œuvres sont exposées dans de très grands musées »
Il faut rendre un hommage à ces artistes : Gleizes, Lhote et Vanber car ils ont attiré du monde sur notre territoire. Grâce à ce jeu de relations, notre territoire s’est enrichi de gens extrêmement précieux mais qui ont joué la discrétion, comme André Du Bouchet, poète qui a écrit sur la Drôme où il a vécu.
L’histoire d’Etienne Noel, par exemple que nous raconte Martial : il s’installe par obligation dans la Drôme, il est gazé lors de la première guerre, il doit renoncer à sa carrière de peintre (pourtant très prometteuse puisqu’il exposait avec Kisling et Cézanne.Grâce à un deuxième mariage, il découvre Dieulefit et sa céramique. Il va « bourlinguer » cette tradition dans la forme (il impose les lignes Art-Déco) puis dans l’émail qu’il modernise activement. Il va faire venir des gens incroyables dans la Drôme comme Jouve, Jacques Pouchain, et dans leur sillage, tout un monde va venir s’établir dans la Drôme. Ces artistes sont venus chercher le contact d’un maître ici. L’ADN drômois fait que, leur histoire et présence dans la Drôme se fait sans tapage et reste souvent méconnue, comme Etienne Martin qui est né à Loriol(26). Sa maison, très importante dans ses recherches artistiques, (ses demeures), ne sera pas préservée, alors que cet artiste est présent dans les plus importants Musées.
Ce n’est qu’un aperçu du patrimoine artistique de la Drôme qui mérite d’être connu et mis en avant. Une démarche que Martial Duvert accompagne avec passion dans le très bel espace de sa galerie, place du Champs de Mars à Crest.
Comment choisis-tu les artistes que tu présentes ? Ont-ils toujours un lien avec la région ?
« Je souhaite exposer des artistes qui ont une empreinte locale, qui ont pleine conscience de ce territoire. Prochainement, j’envisage une exposition sur le vélo, avec la volonté de faire côtoyer deux mondes d’apparence si éloignée : les sportifs et les amateurs d’Art. Notre région, propice au vélo, a aussi inspiré des créateurs qui se sont servi du vélo comme « matériau » mais d’autres en ont fait l’objet de recherches esthétiques comme techniques ».
La Drôme, une région qui ne demande qu’à être découverte, racontée, et on ne peut que vous conseiller de vous rendre à la Galerie Duvert. Un moment hors du temps… moment suspendu !
Quels sont tes projets pour la suite, prochaines expositions ?
Dans les projets les plus immédiats, l’été 2021 sera une exposition entièrement consacrée à Nicolas Zadounaïsky, son travail atypique et très varié ne pourra laisser indifférent. Souvent exposé à Venise, il revient sur les terres de son Grand oncle qui marquera dans les années 30 la ferronnerie d’art. Une exposition sur le patrimoine écrit et illustré sur le patois local avec des œuvres de Lattier : « la mémoire en couleur »… Sous forme d’EX-VOTO, des petites histoires vécues et décrites en patois du Languedoc. Ceci pour l’année 2022. Enfin, une exposition sur un artiste disparu : Felix de Recondo … œuvres sculptée et peinte…